la révolution fiscale et économique
de Raul Castro
C'est une véritable révolution qu'a lancée Raul Castro à Cuba,
en excluant des centaines de milliers de Cubains de l'économie d'Etat
jusque-là omniprésente,
en créant un système économique
et fiscal nouveau et une économie de marché qui ne dit pas
son nom,
dont les contours commencent à apparaître. Analyse
d'un tournant radical mais complexe.
Raul Castro a dit l'an dernier qu'il en avait marre qu'on dise que
« Cuba
est le seul pays au monde où l'on peut vivre sans travailler »…
Il a montré en quatre ans sa prudence dans les nécessaires
réformes du pays
et s'en vante d'ailleurs dans son discours du
1er août devant l'Assemblée nationale :
« Nous avançons pas à pas au rythme décidé par
nous-mêmes… sans improvisation ni précipitation… »
Au passage, soulignons qu'il est vêtu de la traditionnelle guayabera
blanche,
qui devenue par décret la tenue officielle des activités
publiques.
Raul, qui avait déjà déclaré en avril,
qu'il
faudrait se séparer d'un demi-million de travailleurs de l'Etat
pour
« changer la structure et les conceptions du travail dans
le pays
en vue de préserver la justice sociale et la souveraineté nationale »,
confirme que cela doit être fait pour mars 2011.
Et encore autant
d'ici fin 2011 !
Cela représente environ 10% du total des Cubains qui travaillent
!
Rappelons que 95% des travailleurs cubains étaient employés
par l'Etat.
Seules environ 140 000 personnes travaillaient à leur « propre
compte » :
les petits restaurants de douze couverts (les fameux
paladars), les photographes de mariages,
réparateurs de lunettes,
d'autres petits métiers et surtout, bien sûr,
les petits
paysans producteurs de feuilles de tabac.
Ajoutons que c'est Raul Castro qui a pris la responsabilité de
parler publiquement
avec l'Eglise cubaine et de confirmer la libération
de prisonniers en cours depuis cet été.
Fidel Castro n'en
a jamais dit un mot et continue exclusivement sa croisade pour le désarment
nucléaire.
178 métiers autorisés
Le 24 septembre est publiée par Granma une liste de 178 métiers
qui seront autorisés.
Cette liste prête à sourire
car on n'y trouve pratiquement pas de professions réellement productives
dans l'intérêt de l'économie du pays. Cela va de
gardien de parking de bicyclettes à remplisseur de briquets à gaz
en passant par les barbiers et restaurateurs d'œuvres d'art… sans
oublier les manucures et les relieurs de livres…
En même temps, le quotidien Granma annonce que l'emploi d'une
personne
par une autre sera autorisé (l'exploitation de l'homme
par l'homme est-elle de retour ? ),
et qu'un nouveau système fiscal
sera mis en place.
Les jours passent et l'on ne voit rien venir.
On ne sait pas qui décide
des licenciements
(pratiquement sans indemnité : un mois pour
dix ans d'ancienneté).
Tout ce qui est annoncé est que
dans chaque entreprise des commissions doivent se réunir
pour
décider de ceux qui seront gardés : les meilleurs.
Il est cependant prévu que les mécontents pourront faire
appel auprès du ministère du Travail,
sans plus de détails.
Le Granma publie tous les jours des articles appelant à économiser
l'énergie et à innover
dans les entreprises de l'Etat, à rétablir
la discipline dans le travail et autres vœux pieux…
Certains
indices montrent la mise en route d'une rationalisation dans le domaine
de la santé publique
(pourquoi avoir huit chauffeurs, s'il n'y
a qu'une ambulance dans tel hôpital à la campagne
ou pourquoi
garder ouverte une maternité qui n'a procédé qu'à 19
accouchements au cours de l'année dernière ? (Ces thèmes évoquent
des échos en France n'est-ce pas ? )
Raul Castro explique qu'il faut que l'Etat soit rentable et qu'il faut éliminer
graduellement les libéralités et gratuités coûteuses…
Apprendre la fiscalité
Il faut bien comprendre que 80% des Cubains
sont nés
après la fin de l'ancien régime capitaliste
de Batista.
L'économie interne est un désastre et l'embargo
américain en rajoute.
Depuis cinquante ans, c'est l'Etat qui est le seul producteur et le
seul importateur.
Il pourvoie tant bien que mal à tout : école,
santé, routes, alimentation rationnée, etc.
Les gens sont mal payés mais tous pensent que l'Etat imprime
des billets en pesos comme des billets de Monopoly sans que cela ne corresponde à rien.
Il faut non seulement tout apprendre mais créer des mécanismes
si l'on veut créer un secteur privé.
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On peut lire : «Le fait de payer des impôts ne qualifie pas
le système
social d'un pays,
c'est l'emploi qui est fait de ces ressources
qui différencie un régime
d'un autre. »
Cela va être très compliqué, parce que, depuis des
années,
les Cubains vivaient en partie de la manne étatique
et en partie de « bricolages »
et -disons le tout net- de détournements.
| Les pages jaunes
| Massage | |
cela fait un choc, après cinquante
ans d'une économie distributive plutôt égalitaire
que pour être travailleur indépendant, il va falloir s'inscrire
et payer une patente pour exercer un métier,
qu'un impôt
sur le revenu va exister avec déclaration du revenu.
Il va également falloir cotiser à un régime spécial
de la Sécurité sociale (25% du revenu)
à la fois
pour la santé et la retraite, qu'une taxe de 10% sur les ventes
(s'appliquant apparemment aussi sur les services publics tel l'électricité et
le téléphone) est créée
(une sorte de TVA
qui ne dit pas son nom), que les personnes
qui en emploient d'autres
devront payer des « charges patronales »
à hauteur
de 25% du salaire de leurs employés.
D'autres mesures sont évoquées telle une dispense d'impôts
pour les faibles revenus et l'obligation d'une comptabilité formelle à partir
d'un certain plancher…
Il faudra également ouvrir des comptes
bancaires à partir d'un certain niveau de revenus
et les banques
pourront accorder des crédits.
Une administration fiscale est créée pour gérer
toutes ces mesures et, bien évidemment,
gare à ceux qui
ne se mettrons pas en règle et qui voudraient continuer à vivre
en douce réellement
à leur propre compte sans payer leur
dîme à l'Etat. Et tout çà d'un coup.
Pour couronner le tout et çà c'est réellement
révolutionnaire
il est décidé que la totalité des
impôts ainsi créés ira directement au budget des
communes
pour favoriser un développement économique durable
local et régional.
C'est bien sûr donc au pouvoir local,
directement intéressé,
qu'il revient de mettre en place
un système de contrôle et de collecte efficace.
Gageons que dans une deuxième étape,
les nouveaux contribuables
cubains verront apparaitre en plus de véritables impôts
locaux.
Un Cuba nouveau va émerger
Un tel bouleversement paraît incroyable en si peu de temps.
Depuis
de longues années, les Cubains ont appris à louvoyer et à tricher
avec l'Etat.
Pour être simpliste, disons que les révolutionnaires étaient
plus ou moins entretenus par l'Etat quel que soit leur rendement au travail… et
que les dissidents étaient plus ou moins payés à l'être.
Maintenant il faudra bosser !
Il reste à voir si le pragmatisme de Raul Castro permettra d'adapter
ces nouveaux principes en douceur sans une bureaucratie étouffante.
Surtout que des métiers supplémentaires modernes et réellement
productifs
pour une économie du XXIe siècle soient admis
et aussi
que des textes règlementant le fonctionnement des entreprises
apparaissent.
Espérons surtout que l'ingéniosité bien
connue des Cubains sera mise en route de façon positive
pour profiter
de relancer l'économie au plus vite et non pour contourner le
nouveau système.
Ce n'est pas du tout la voie chinoise, ni la vietnamienne qui sont copiées,
c'est en tout cas, pour le moment, un système sui-generis cubain
qui est en train de naître. […]
D'immenses questions restent encore complètement dans l'ombre
et surgiront très vite.
S'agit-il seulement d'un ravaudage à court
terme de la part du régime ?
On peut penser qu'avec l'âge
de ses dirigeants, ceux-ci voudraient réellement imprimer leur
marque
et permettre à leur Révolution de leur survivre
quitte à muter en douceur.
Y aura-t-il une opposition à ces bouleversements ?
Politiquement
certainement pas, mais on peut imaginer la mauvaise volonté des
nombreux bureaucrates
qui d'une façon ou d'une autre, par paresse
ou parce qu'on les prive de possibilités de corruption,
peuvent
tout bêtement ne pas être intéressés par la
naissance d'un secteur privé dynamique.
L'autre question est posée par l'étonnant silence total
de Washington depuis six mois.
Le Président Obama a certes d'autres
soucis bien plus graves…
Entre le Moyen-Orient, l'Afghanistan,
l'Irak et les très prochaines élections,
on peut penser
que ce qui se passe à Cuba n'est pas à l'ordre du jour.
Mais c'est pourtant sous son nez.
Et bientôt, Cuba avec ses associés chinois, espagnols et
brésiliens
va commencer des forages de pétrole en eau profonde
devant la Floride !
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